Le manuel scolaire, cet ouvrage de référence que tout écolier, collégien, lycéen et étudiant connaît et reconnaît. L’intérêt du présent article est de découvrir plus en profondeur tout le processus autour de cet ouvrage éditorial particulier, de sa conception à son utilisation tout en abordant ses enjeux et son modèle économique. Abordons le parcours assez dense du manuel scolaire numérique.
Le manuel scolaire numérique : un objet original
La définition légale du manuel scolaire est fixée par le décret n°2004- 922 du 31 août 2004 : « Sont
considérés comme livres scolaires, au sens de l’alinéa 4 de l’article 3 de la loi du 10 août 1981 susvisée,
les manuels et leur mode d’emploi, ainsi que les cahiers d’exercices et de travaux pratiques qui les
complètent ou les ensembles de fiches qui s’y substituent, régulièrement utilisés dans le cadre de
l’enseignement primaire, secondaire et préparatoire aux grandes écoles, ainsi que des formations au
brevet de technicien supérieur, et conçus pour répondre à un programme préalablement défini ou
agréé par les ministres concernés. La classe ou le niveau d’enseignement doit être imprimé sur la
couverture ou la page de titre de l’ouvrage. »
Avec l’avènement du numérique les éditeurs ont adapté leur procédure pour offrir des manuels
numériques, au début homothétiques (soit la numérisation simple des manuels papiers), mais qui ont
fait l’objet de nombreux enrichissements par la suite. Ces enrichissements ont un intérêt pédagogique
complémentaire, des vidéos explicatives, des images commentées et analysées, tous ces plus qui
viennent en complément du cours originel. Ces ouvrages sont également enrichis de nouvelles
pratiques. Ils permettent notamment aux utilisateurs d’annoter des passages, de mettre des
commentaires mais aussi d’effectuer des quizz et de répondre à des séries de questions directement
sur le manuel numérique.
De la fabrication à la mise en vente, une course contre le temps
Le cycle de vie d’un manuel scolaire commence par le lancement d’un nouveau programme scolaire
par le ministère de l’éducation nationale. Les éditeurs de l’éducation et afin de créer ces outils de
travail qui éclaircissent et enrichissent le programme, élaborent un projet éditorial du nouveau manuel
scolaire.
À ce stade il est important de croiser l’approche du ministère de l’enseignement avec celle des
éditeurs, ces derniers peuvent alors avoir des éclaircissements sur les objectifs pédagogiques et les
points clé du programme, ce qui leur permet d’orienter leur choix de conception afin d’avoir un manuel
adapté en cohérence avec le programme. Ce travail de médiation est assuré par certaines associations
comme les éditeurs de l’éducation qui organisent des rencontres et des colloques réunissant ces
différents acteurs.
Pour produire un manuel scolaire, en premier temps, l’éditeur construit l’équipe d’auteurs. Les auteurs
du manuel peuvent être des enseignants, des formateurs, des inspecteurs ou des chercheurs.
Tout au long du processus de fabrication du manuel, ils restent en contact étroit avec l’équipe
éditoriale, ils corrigent d’éventuelles erreurs de rédaction, ajustent certains choix éditoriaux comme
la conception de la maquette, les points à aborder et la manière de les présenter.
Une fois le manuel finalisé l’éditeur le soumet à des tests effectués par des enseignants afin de
s’assurer de la qualité pédagogique du manuel et de son utilité vis-à-vis des élèves et des enseignants.
Ce travail est rythmé par un calendrier très serré. L’enjeu principal étant de pouvoir mettre à
disposition le manuel scolaire à la rentrée pour accompagner le nouveau programme. Bien que le
ministère de l’éducation respecte un délai de 12 mois entre la publication d’un nouveau programme
et sa mise en application dans les écoles. Ce délai semble être relativement court vu les multiples
étapes qu’implique la fabrication d’un nouveau manuel.
De la mise en vente à la mise à disposition : enjeux et défis
Pour la distribution des manuels, certains éditeurs choisissent de passer par des plateformes intermédiaires comme c’est le cas pour l’éditeur Belin qui a choisi d’être distribué sur la plateforme édulib, Hachette et Hatier sur la plateforme KNE (le kiosque numérique de l’éducation) et Robert et Nathan via le CNS (le Canal
Numérique des Savoirs).
D’ailleurs, certaines maisons d’édition ont fait le choix de distribuer via leur propre site comme c’est le cas pour les éditions lelivrescolaire.fr et SEDRAP.
On peut alors se poser la question sur cette diversité de plateformes qui présente un vrai défi de choix de manuel par les parents, les enseignants et les établissements scolaires. Comment choisir le bon manuel pour mon enfant ou mes élèves? Où le trouver ? Comment comparer les différentes offres si elles sont dispersées sur plusieurs plateformes ?
Parmi les offres proposées sur ces sites on distingue des offres 100% numériques et des offres
réservées aux classes déjà équipées d’un manuel papier, il s’agit de l’achat d’une licence valable
pendant un certain temps, plus la licence est longue plus le prix est élevé.
Une fois la licence achetée se pose alors la question de l’accès au manuel et de son utilisation et donc
naturellement la question de la littératie numérique permettant d’utiliser le manuel et de le manipuler,
mais aussi la question du support et de sa maintenance. En effet, les enseignants et les élèves doivent
connaître les procédures d’accès et les pratiques d’utilisation de cet objet numérique, il faudrait donc
une phase de formation pour préparer toute une année scolaire animée par ces manuels. De plus,
chaque élève devrait se doter d’un dispositif lui permettant d’utiliser le manuel ( PC, tablette ou
smartphone) dans son école comme chez soi. Les établissements scolaires d’un côté ainsi que les
parents de l’autre côté doivent assumer la maintenance de ces dispositifs et les coûts que cela pourrait
impliquer.
De plus, le fonctionnement par licence pose des questions quant à la possibilité de consulter un manuel
une fois la licence expirée. En effet, on considère que les manuels sont renouvelés tous les quatre ans
dans un établissement scolaire. Si l’établissement décide de ne pas renouveler une licence au profit
d’un autre éditeur, les élèves ainsi que les enseignants perdent l’accès audit manuel et aux annotations
et modifications exécutées.
Conclusion
L’écosystème du manuel scolaire numérique est complexe et cache beaucoup d’enjeux dans les
coulisses de sa fabrication et de son utilisation. Du côté de la fabrication, l’éditeur effectue une course
contre le temps afin de pouvoir mettre le manuel à disposition dès la rentrée, un manuel qui raisonne
avec le programme, le complète et l’enrichit sans trop s’éloigner de sa ligne directrice. Les utilisateurs
quant à eux, doivent faire face à plusieurs défis : savoir choisir le manuel adapté à leurs besoins, savoir
l’utiliser, avoir le support adéquat et assurer sa maintenance, tout en acceptant l’idée de perdre les
modifications qu’ils ajoutent au manuel une fois la licence est terminée.
Article écrit et proposé à Numipage par deux étudiantes de l’ENSSIB : Raghad ALZHOURI & Emma SPRINGARD