Rocambole est une application de lecture disponible depuis peu sur l’App Store et qui propose de lire les ouvrages sous forme de séries. Nous avons demandé à Camille Pichon, co-fondatrice de Rocambole, de nous en dire plus sur leur modèle et son origine.
Bonjour Camille, merci beaucoup d’accepter de répondre à nos quelques questions pour mieux comprendre l’application Rocambole et son modèle. Avant de parler des fonctionnalités, pourrais tu nous dire quelques mots sur ton parcours et sur la manière dont vous êtes arrivés à l’idée de Rocambole avec votre associé ?
Bonjour,
J’étais en deuxième année d’édition numérique à l’Enssib à Lyon. Avant cela, j’avais étudié les Lettres Modernes, et notamment le roman-feuilleton. Et je réfléchissais beaucoup sur les supports numériques. Donc finalement l’association était assez naturelle. Nous voulions faire lire les gens sur le device le plus présent dans la vie des Français et instaurer des rendez-vous littéraires. Mon associé François m’a aidé à mettre tout cela en forme d’un point de vue business et a donné l’impulsion pour se lancer.
Ensuite, nous avons participé à l’incubateur FMR organisé par le salon Entreprendre dans la Culture et le Ministère de la Culture, nous avons rencontré Boris, notre directeur marketing, puis Quentin notre développeur et plus récemment notre directeur éditorial Julien.
Rocambole se définit comme « Un netflix du livre ». Peux-tu nous en dire plus sur ce que ca implique en termes de fréquence de publication et de choix éditorial ? L’application fonctionnera sur un modèle d’abonnement ?
Tout à fait ou alors Netflix est un Rocambole de la vidéo, ça dépend du point de vue (rires).
Sans rire, donc en réalité aujourd’hui nous sommes plutôt sur le modèle HBO puisque nous délivrons les épisodes à la semaine.
Mais effectivement, le principe est similaire, parler de Netflix fait comprendre aux personnes plus extérieures au monde du livre ce que nous proposons. L’idée de série est tout de suite assimilée. Et c’est une de nos missions de s’adresser à la cible la plus large possible, en quelque sorte « démocratiser » la littérature.
Concernant le business model, notre application est en effet disponible sous abonnement. (1,99€/ mois à vie pour les 1000 premiers abonnés puis 4,99€/mois)
D’un point de vue juridique, les ouvrages diffusés sur Rocambole rentrent-ils dans la définition du livre numérique ? Sont-ils sujet à la réglementation sur le prix unique du livre ? Votre modèle impacte-t-il la manière dont les auteurs sont rémunérés ?
Techniquement, notre activité est celle d’un éditeur : nous produisons des textes de fiction sous forme d’épisodes – d’aucuns diraient de chapitres – qui peuvent parfaitement s’intégrer dans un processus de partenariat avec des maisons d’édition classiques (nous sommes d’ailleurs justement en train d’en établir, cela va dans le sens d’intégrer Rocambole à la chaîne du livre). À ce titre, nous entrons dans le champ d’application de la loi sur la TVA réduite.
Concernant les auteurs, Julien a écrit un article sur le sujet. Pour l’instant nous sommes sur des modèles de rémunération assez classiques (à-valoirs, 10% de droits d’auteur via une rémunération à la visibilité), nous avons donc pensé un contrat avec et pour les auteurs qui était assez souple pour compenser nos manques de moyens au départ de notre aventure. Nous voulons bien évidemment faire évoluer ces chiffres en faveur des auteurs et leur offrir plus quand l’application aura rencontré son public.
Le numérique semble avoir repoussé les frontières du livre traditionnel et permis l’émergence de nouveaux formats et de nouveaux modèles. La lecture sur mobile en fait-elle partie ? Pensez-vous qu’il s’agit d’une tendance de fond ? Craignez-vous l’émergence du livre audio sur ce support ?
Tout à fait, le numérique a ouvert le champ des possibles pour toutes les industries culturelles en général ce qui les a plongées dans une profonde mutation. Il en va de même aujourd’hui pour le secteur du livre. Et je trouve cela personnellement formidable.
Le smartphone est omniprésent dans nos vies (presque) tout le monde en a un dans sa poche et le consulte plusieurs fois par jour. Ce serait du gâchis de ne pas exploiter ce support qui tient une place très importante dans nos vies. C’est pourquoi nous faisons le pari d’implémenter la lecture là où elle est encore trop peu présente. Et de penser des nouveaux formats qui conviennent à des usages sur mobile. Cela implique donc d’être très proches de nos utilisateurs, de recueillir leurs besoins et de développer les fonctionnalités en conséquence.
Je ne sais pas si c’est une tendance de fond, mais nous avons vu émerger beaucoup de petits acteurs sur smartphone, et cela prouve bien qu’il y a un marché et un public. Aujourd’hui, la question est comment les Français aiment lire sur smartphone, il faut les écouter et construire avec eux. Et c’est ce que nous nous attachons à faire chez Rocambole.
Concernant le livre audio et nous pourrions encore pousser plus loin vers le podcast car il y a beaucoup de fictions maintenant, est-ce que nous les craignons ? La réponse est non, car nous pensons proposer quelque chose de tout à fait différent. Et nous voyons plutôt des possibilités, nous ne sommes pas du tout en réaction, mais nous sommes ouverts à toute collaboration. Le livre-audio ou le podcast, c’est super, mais cela reste une activité plutôt passive comme regarder une vidéo. Aujourd’hui, Rocambole cherche à faire lire les gens, faire susciter une envie de lire plus. C’est cela notre pari.
Le modèle de Netflix et de Wattpad repose beaucoup sur des algorithmes de reconnaissance des goûts des utilisateurs qui font ensuite de la recommandation. Ces sociétés se servent également de ces données pour calibrer leur production. Quelle est votre opinion sur ce sujet ? Les séries les plus populaires vont-elles vous influencer dans votre choix éditorial ou le choix éditorial se fera en fonction d’autres critères ?
Je pense qu’il y a deux choses très importantes : la recommandation et la production de contenus par l’intelligence artificielle, c’est incroyable, à la fois pour l’utilisateur, mais également en termes d’innovation.
Bien sûr, nous travaillons dessus et nous allons implémenter la fonctionnalité de recommandation. Concernant la production de contenus, c’est un outil formidable, nous savons ce qui plaît à nos utilisateurs, et cela nous permet de répondre à leurs besoins. Néanmoins, au sein de Rocambole nous cherchons également à faire découvrir de nouvelles choses aux lecteurs. Et c’est là où je pense que le métier d’éditeur est très important, l’humain prend des risques, est en mesure de trouver des pépites et de les faire découvrir au public.
En somme, tout est une question d’équilibre. Oui, l’intelligence artificielle offre des possibilités formidables néanmoins baser absolument tous nos contenus sur de la data, comme Netflix par exemple, c’est assez triste. Donc nous évoluerons très certainement vers un modèle mixte.
À propos de l’auteur
Laurent Hentz est fondateur et co-fondateur de plusieurs sociétés dans le domaine de la culture et de la communication web. Il est consultant, formateur et professeur dans plusieurs écoles. Ses domaines d’expertise sont l’édition numérique, les NFTs, la création et la maintenance de sites WordPress et leur optimisation pour les moteurs de recherche (SEO, SEA). Il est le fondateur de Numipage et propose également des services sur lhentz.com.